Les orientations internationales pour lutter contre les EEE*

Les engagements internationaux

Plusieurs conventions internationales montrent, par leurs travaux, une prise de conscience grandissante à propos de la problématique des espèces exotiques envahissantes (EEE).

La convention sur la diversité biologique (CDB), Rio 1992 : 1

La France est un des 193 pays qui se sont, à ce jour, constitués Parties à ce traité. Cette convention a pour objectifs principaux :
  • la conservation de la diversité biologique,
  • l’utilisation durable de toutes ses composantes,
  • le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques (dispositif APA).

Dans ce cadre, la CDB pointe les EEE comme une cause majeure d’érosion de la biodiversité :

Convention sur la diversité biologique, Article 8 "Conservation in situ"
"Chaque Partie contractante, dans la mesure du possible et selon qu’il conviendra :
[…] h) Empêche d’introduire, contrôle ou éradique les espèces exotiques qui menacent des écosystèmes, des habitats ou des espèces […]."

Ce principe a été décliné dans le "Plan stratégique pour la biodiversité 2011-2020" (ou "Objectifs d’Aichi"), qui découle de la CDB, dans lequel les EEE font partie des pressions directes sur la diversité biologique qu’il faut prioritairement réduire :

Objectif 9 d’Aichi
"D’ici à 2020, les espèces exotiques envahissantes et les voies d’introduction sont identifiées et classées en ordre de priorité, les espèces prioritaires sont contrôlées ou éradiquées et des mesures sont en place pour gérer les voies de pénétration, afin d’empêcher l’introduction et l’établissement de ces espèces."

Les conventions internationales sectorielles :

Dans certains secteurs d’activité ou pour certaines thématiques spécifiques, des conventions particulières ont été signées par de nombreux pays. Elles prévoient des dispositions qui s’attaquent à des voies identifiées d’introduction d’espèces exotiques ou qui visent à réduire les impacts potentiels de ces espèces sur des milieux particulièrement précieux et sensibles :

  • Convention des Nations Unis sur le droit de la mer, Montego Bay 1982, article 196. 2
  • Convention sur les zones humides d’importance internationale, Ramsar 1971, Résolution VII/14 de la septième conférence des Parties. 3
  • Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), Washington 1974. 4
  • Convention Internationale pour la Protection des Végétaux de 1952 : vise à protéger les plantes cultivées et sauvages en prévenant l’introduction et la dissémination des organismes nuisibles. 5
  • Convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires, Londres 2004 6:vise à contrôler la menace que représente la libération d’espèces marines exotiques contenues dans les eaux de ballast des navires dans de nouveaux environnements marins.

Les accords régionaux applicables à la Guadeloupe :

  • Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, Berne 1979 : cette convention vise notamment à contrôler l’introduction d’espèces non-indigènes sur le territoire des Parties (article 11). 7
  • Convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin dans la région des Caraïbes, Cartagène 1983:vise à protéger le milieu marin et favorise la coopération des Parties à cette fin. 8

La démarche européenne en cours

Dans le droit fil de la convention sur la diversité biologique, l’Union Européenne a élaboré, dans un premier temps, une approche stratégique de la gestion des EEE, puis dans un second temps un règlement relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes, récemment entré en vigueur début 2015.

La stratégie européenne de lutte contre les espèces exotiques envahissantes

Une première stratégie contre les espèces exotiques envahissantes les pays d’Europe a été adoptée en 2004 dans le cadre de la convention de Berne.

La Commission Européenne a publié en 2008 une communication intitulée "Vers une stratégie de l’Union européenne relative aux espèces envahissantes" 9, puis en 2011, une communication intitulée "La biodiversité, notre assurance-vie et notre capital naturel - stratégie de l’UE à l’horizon 2020" 10 qui fixe un objectif en matière de lutte contre les EEE :

"3.4. LUTTER CONTRE LES ESPECES ALLOGENES ENVAHISSANTES
[…]Objectif 5 :
D’ici à 2020, les espèces allogènes envahissantes et leurs voies d’accès seront répertoriées et
traitées en priorité, les principales espèces seront endiguées ou éradiquées et les voies
d’accès seront contrôlées pour éviter l’introduction et l’installation de nouvelles espèces."

Les communications de la Commission européenne qui ont servi de supports à ces approches stratégiques ne sont pas juridiquement contraignantes pour les États membres, contrairement à un règlement européen qui est, lui, directement applicable en droit interne (aucune transposition nécessaire).

Un règlement européen relatif aux EEE applicable en France dès 2015

Ce règlement, initié par le Parlement et le Conseil de l’Europe relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des EEE est entré en vigueur le 1er janvier 2015 et est directement applicable en droit français, sans qu’un texte national de transposition ne soit nécessaire comme pour une directive. 11.

Ce règlement s’applique à l’Europe "continentale" comme à ses "régions ultra-périphériques" (dites RUP) dont fait partie la Guadeloupe.
Il prévoit un dispositif ambitieux basé sur l’élaboration de listes d’espèces dont l’introduction, la détention, le commerce ou toutes autres activités seront interdites par principe.
Il fixe des échéances aux États membres pour l’analyse des principales voies d’introduction des EEE, la mise en place d’un système de contrôle opérationnel de ces introductions, mais aussi la définition et la mise en œuvre de mesures de gestion optimale des EEE déjà introduites.

Le principe de subsidiarité, un des fondements du droit communautaire, permettra aux Etats membres de prendre des mesures plus contraignantes que celles prévues par le règlement lorsque les circonstances le justifient. Ainsi, en outre-mer où on trouve plus de 80% de le biodiversité française, il conviendra de prévoir un régime plus protecteur qu’en France hexagonale, à la hauteur de cet enjeu de préservation majeur.

Les espèces exotiques envahissantes en France

Le cadre national français sera amené à évoluer pour définir une stratégie et un plan d’action qui répondent aux attentes et au calendrier du règlement européen.

La stratégie nationale pour la biodiversité

La loi n°2009-967 du 3 août 2009 prise pour la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement 12 fixe des objectifs à l’État français en matière d’espèces exotiques envahissantes : "Article 23 Pour stopper la perte de biodiversité sauvage et domestique, restaurer et maintenir ses capacités d’évolution, l’État se fixe comme objectifs : […]― la mise en œuvre de plans de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, terrestres et marines, afin de prévenir leur installation et leur extension et réduire leurs impacts négatifs […]".

La stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020 reprend, quant à elle, cette préoccupation dans son objectif 11 "Maîtriser les pressions sur la biodiversité" qui prévoit notamment de développer les bonnes pratiques en matière de prévention et de lutte contre les EEE.

La réglementation française

Les espèces exotiques envahissantes font, par ailleurs, l’objet de réglementations spécifiques qui traitent, dans différents secteurs, des aspects sanitaires et environnementaux liés à cette problématique.

Le cadre législatif et réglementaire national de la lutte contre les impacts environnementaux des EEE est construit, mais des arrêtés complémentaires sont attendus.

L’article L.411-3 du Code de l’environnement prévoit ainsi la possibilité d’interdire l’introduction dans le milieu naturel des espèces exotiques envahissantes. Il interdit aussi leur transport et leur commercialisation. Ces espèces doivent figurer sur des arrêtés interministériels. La rédaction des arrêtés fixant ces listes est en cours.

Code de l’environnement, Article L411-3

I. - Afin de ne porter préjudice ni aux milieux naturels ni aux usages qui leur sont associés ni à la faune et à la flore sauvages, est interdite l’introduction dans le milieu naturel, volontaire, par négligence ou par imprudence :

1° De tout spécimen d’une espèce animale à la fois non indigène au territoire d’introduction et non domestique, dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et, soit du ministre chargé de l’agriculture soit, lorsqu’il s’agit d’espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes ;

2° De tout spécimen d’une espèce végétale à la fois non indigène au territoire d’introduction et non cultivée, dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et, soit du ministre chargé de l’agriculture soit, lorsqu’il s’agit d’espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes ;

3° De tout spécimen de l’une des espèces animales ou végétales désignées par l’autorité administrative.

II. - Toutefois, l’introduction dans le milieu naturel de spécimens de telles espèces peut être autorisée par l’autorité administrative à des fins agricoles, piscicoles ou forestières ou pour des motifs d’intérêt général et après évaluation des conséquences de cette introduction.

III. - Dès que la présence dans le milieu naturel d’une des espèces visées au I est constatée, l’autorité administrative peut procéder ou faire procéder à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction des spécimens de l’espèce introduite. Les dispositions du II de l’article L. 411-5 s’appliquent à ce type d’intervention.

IV. - Lorsqu’une personne est condamnée pour infraction aux dispositions du présent article, le tribunal peut mettre à sa charge les frais exposés pour la capture, les prélèvements, la garde ou la destruction rendus nécessaires.

IV bis. - Lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine biologique, des milieux naturels et des usages qui leur sont associés justifient d’éviter leur diffusion, sont interdits le transport, le colportage, l’utilisation, la mise en vente, la vente ou l’achat des espèces animales ou végétales dont la liste est fixée par arrêtés conjoints du ministre chargé de la protection de la nature et soit du ministre chargé de l’agriculture soit, lorsqu’il s’agit d’espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes.

V. - Un décret en Conseil d’Etat précise les conditions d’application du présent article.

Sanctions prévues : l’article L.415-3 prévoit que soit puni de six mois d’emprisonnement et de 9000 euros d’amende le fait d’introduire volontairement dans le milieu naturel, de transporter, colporter, utiliser, mettre en vente, vendre ou acheter un spécimen d’une espèces animale ou végétale en violation de l’article L. 411-3 ou des textes pris pour son application.

Pour les espèces animales, la réglementation relative à la faune sauvage captive (deux arrêtés du 10 août 2004 qui précisent les modalités de détention des animaux sauvages en captivité) fixe des restrictions de détention de certaines espèces animales. C’est par exemple le cas des tortues d’eau douce exotiques (en particulier, la tortue de Floride) qui ne peuvent être détenues par de simples particuliers ou vendues dans les animaleries à destination du grand public.

Le dispositif français EEE pour l’outre-mer

La menace des espèces exotiques envahissantes est particulièrement forte en outre mer car la petite surface des îles et leur isolement géographique rend les espèces indigènes très vulnérables aux espèces exotiques. Cet état de fait justifie une action résolue sur le sujet qui s’est traduit par un cadrage national des stratégies à définir pour lutter contre les EEE outre-mer a été établi :

Dans ce contexte, depuis 2009, la lutte contre les espèces exotiques envahissantes portant préjudice à la biodiversité dans les départements et les territoires d’outre mer fait l’objet d’un programme d’actions spécifique.

Ce programme prévoit de développer une réglementation propre à chaque territoire, de mettre en place un système de veille et d’éradication rapide, de mettre en œuvre des plans de lutte contre les espèces prioritaires et de renforcer les actions de police de la nature et celles de communication.

Le comité français de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) a développé une initiative relative aux espèces exotiques envahissantes d’outre mer 13 : son objectif est de favoriser l’échange d’informations et la coordination des actions en mobilisant tous les acteurs concernés (associations, chercheurs, gestionnaires d’espaces naturels, services de l’État et des collectivités). Il s’agit notamment : de réaliser un état des lieux scientifique, technique et juridique, d’améliorer la diffusion de l’information par l’organisation d’un réseau d’échange et la mise en ligne des données, de proposer des recommandations pour une meilleure prise en compte du phénomène et enfin l’amélioration du cadre juridique et le renforcement des moyens de lutte et de prévention.

L’UICN a organisé le Assises françaises des espèces exotiques envahissantes en septembre 2014 pour contribuer à adapter le droit français aux exigences du nouveau règlement européen. Les experts de la Guadeloupe ont pu porter les attentes et les spécificités de l’Outre-mer dans ces ateliers. Les actes de ces Assises seront prochainement publiés.

Notes et références

1Site en français de la Convention sur la diversité biologique http://www.cbd.int/

2Texte en français de la convention des Nations Unis sur le droit de la mer http://www.un.org/Depts/los/convention_agreements/texts/unclos/unclos_f.pdf

3Texte en français de la Résolution VII/14 de la septième conférence des Parties à la convention sur les zones humides d’importance internationale http://www.ramsar.org/cda/fr/ramsar-documents-resol-resolution-vii-14/main/ramsar/1-31-107%5E20830_4000_1__

4Site en français de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) http://www.cites.org/fra/

5Présentation en français des activités de la convention Internationale pour la Protection des Végétaux (CIPEV) https://www.ippc.int/fr/core-activities

6Site en anglais de la convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires http://globallast.imo.org/index.asp

7Texte en français de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/104.htm

8Texte en français de la convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin dans la région des Caraïbes http://www.cep.unep.org/pubs/legislation/cartxt_fra.html

9Texte en français de la communication de la Commission Européenne de 2008 intitulée "Vers une stratégie de l’Union européenne relative aux espèces envahissantes" http://especes-envahissantes-outremer.fr/pdf/communication_commission_europeenne.pdf

10Texte en français de la communication de la Commission Européenne de 2011 intitulée "La biodiversité, notre assurance-vie et notre capital naturel - stratégie de l’UE à l’horizon 2020" http://especes-envahissantes-outremer.fr/pdf/strategie_europeenne_2020.pdf

11Texte en français du règlement (UE) N° 1143/2014 du parlement européen et du conseil du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes ⚠️ <html>http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32014R1143&from=FR</html>

12Texte de la loi n°2009-967 du 3 août 2009 prise pour la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ⚠️ <html>http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020949548&dateTexte=&categorieLien=id</html>

13Site de l’initiative relative aux espèces exotiques envahissantes d’outre mer de l’UICN http://www.especes-envahissantes-outremer.fr/

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